La morue du Vendredi Saint
Il faut remonter à la grande époque de la Route du Sel... Avant de
partir pour leur longues campagnes de pêche, les terre-neuvas de
l'ouest venaient s'approvisionner dans les salins camarguais
d'Aigues-Mortes.
À cette occasion, ils troquaient leur pêche contre
du sel de mer et toute la région Languedocienne consommait de la
morue sèche.
La
morue salée est délicate à préparer. Mal dessalée ou mal cuite, elle
peut avoir un goût rance. Les vendredis de morue aux pommes de terre étaient
d’ailleurs considérés comme de véritables jours de pénitence. Il
fallait du temps et du “savoir-faire”, afin de préparer une brandade, ou un
plat comme celui qui suit, et ainsi transformer un morceau de poisson salé
à l’odeur pénétrante en un mets délectable.
Morue et haricots tarbais, ce plat, traditionnellement servi dans les Hautes-Pyrénées, pays de Bigorre, pour le Vendredi saint, respecte les usages du carême mais prélude allègrement aux festivités de Pâques.
On ne peut prétendre que le stockfisch, cabillaud
décapité et séché, ou la morue salée soient un produit du terroir
Midi-pyrénéen.
C'est oublier à quel point, très tôt dans
l'histoire, la circulation des denrées étaient importantes. Les mêmes
voyageurs qui "exportaient" les productions locales :
fromages, vins, salaisons, poteries parfois, revenaient avec des épices,
des étoffes, et ce fameux “stockfisch” qui avait le rare mérite, en
ces temps sans réfrigération ni congélation, de voyager sans difficulté
et de se conserver longtemps.
Il est donc entré très tôt dans les mœurs
culinaires des Hautes-Pyrénées, de l'Ariège ou de l'ouest de l'Aveyron,
du Quercy en particulier, sous le nom générique d'estofinada, estoficada
ou estofinado, de l'occitan estofi, altération du mot
anglais stockfisch et du norvégien stocqvisch (poisson bâton,
poisson boucané désignant les poissons séchés sur des bâtons).
Parfois, simplement plat des jours maigres,
d’autres encore, servi dans des circonstances particulières telles que
les repas d'enterrement ou, dans certains coins de l'Ariège, le soir de
Noël, au retour de la messe de minuit.
Ingrédients pour 4 convives
300 g de morue
320 g de haricots tarbais
1 Oignon (de Trébons)
1 Carotte (d’Asté)
2 gousses d’ail - dégermées
4 Tranches de ventrèche épaisse
Un peu de graisse de canard
1 belle Tranche de jambon de montagne
2 couennes de jambon sec
1 Bouquet garni : avec céleri et vert de poireau
1 Bouquet de
basilic
Décoration
Basilic, persil plat, cerfeuil et quelques œufs durs pour la décoration…
1 Salade de type mesclun
Indications de préparation
Dessalage de la morue ou “stockfisch”
La morue
ne doit jamais bouillir, cela rend le poisson élastique et
caoutchouteux.
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Préparer la potée, qui sera meilleure encore réchauffée le lendemain.
Faire revenir, dans la cocotte, avec un peu de graisse de
canard, l'oignon découpé en rondelles, le jambon en dés.
Ajouter
le bouquet garni, l'ail, les haricots, les couennes de jambon.
Mouiller à hauteur avec de l'eau salée ou un bouillon de
volaille.
Laisser cuire ± 1 h en surveillant bien la
cuisson - la morue ne doit jamais bouillir.
Les haricots ne
doivent surtout pas se défaire.
Le jour même, égoutter la morue, la plonger dans l'eau froide,
retirer du feu à la première ébullition puis remettre 15 min à
couvert sur feu très doux.
Ainsi la morue reprendra la douceur et
le moelleux enlevés par la salaison.
Réchauffer la potée de haricots.
Dresser sur un lit de salade en faisant alterner buisson de
morue et buisson de haricots.
Parsemer de feuilles de basilic,
de pluches de cerfeuil et de persil plat.
Décorer d’œufs durs.
Arroser d'une vinaigrette classique, huile
d'arachide et vinaigre de vin, légèrement tiède.
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Le haricot nous vient d’Amérique du Sud. Christophe Colomb le découvrit à Cuba, Jacques Cartier au Canada un demi-siècle plus tard.Son nom semble bien dériver de l’aztèque ''ayacotl''. Le XVIe siècle le vit conquérir l’Europe, avec tant de succès que les Toscans furent surnommés ''mangafugioli'', mangeurs de haricots. Le Soissons français apparut au XVIIIe siècle et le premier flageolet en 1878, introduit par Chevrier, près d’Arpajon. L’Anglais William Robinson, chroniqueur horticole, observe en 1869 qu’en France on sert des haricots ''tous les jours en hiver, sous une forme ou une autre, dans tous les restaurants parisiens, du plus modeste au plus réputé''.
De coloris variés par la cosse et le grain, les haricots à écosser en demi sec peuvent se consommer frais, mi-secs ou secs.
Une fois salé et séché, le cabillaud se nommera
"morue" et sera vendu en queue, en filet ou encore en pavé.
Plus ferme que le cabillaud, la qualité de la morue tient au dosage
du sel. Il est donc impératif de bien dessaler la morue pendant 24 h
avant de la préparer... Au niveau cuisson la morue supporte aussi
bien la braise que le four, on la retrouve également dans les
beignets (accras), la brandade...
Seuls la France fait la distinction entre cabillaud et morue, dans
le reste du monde, morue et cabillaud ne font qu'un.
Morue ou cabillaud désigne en français des poissons de plusieurs
espèces qui vivent en eaux froides.
Auparavant populaire et méprisée, la morue est
présente aujourd'hui sur la carte de bien des restaurants. La pêche
en surnombre à l'origine de sa rapide raréfaction...
Étant donné la popularité de ce poisson et le déclin de ses
populations, l'industrie de la pêche a estimé astucieux de donner ce
nom à d'autres espèces qui se trouvent dans l'hémisphère Sud et
peuvent se cuisiner de la même manière.
En matière de pêche, le nom "cabillaud" peut être réservé aux morues
d'âge mûr, alors que le terme "morue" est employé de préférence pour
les individus juvéniles.
En termes gastronomique "cabillaud" s'emploie
pour désigner le poisson frais ou surgelé par opposition à "morue"
qui s'applique au poisson séché et salé.
Enfin, le cercle est bouclé, l'on trouve dorénavant l'appellation
"morue fraiche", le terme "cabillaud" connotant un poisson trop
commun voire industriel.