C‘est à tord que l'on domicilie le Père Noël au Nord du cercle polaire.
Si les miracles de saint Nicolas, comme la
résurrection de 3 enfants retrouvés dans un saloir, sont avérés par
la tradition hagiographique, l'Occident a fini par oublier qu‘il
était né... en Asie Mineure.
On est loin du petit papa Noël, qui fit la fortune de Tino Rossi.
L'homme a le Visage carré, les pommettes hautes, le nez cassé, le
teint mat des natifs d‘Asie Mineure.
N'était la barbe grise, une
belle tête de rugbyman.
Voire une tête de Turc... même si en ces
temps lointains, à la fin du IIIe siècle, son Anatolie natale se
nomme la Lycie, possession de l‘Empire romain d‘Orient, et que
l‘Empire ottoman est encore à un millénaire de ses balbutiements.
Ce Père Noël avant la lettre a pour nom :
Nicolas.
Profession :
Évêque
de Myre.
Signe particulier : saint, canonisé dès le IVe siècle par
Saint Damase, Pape de son état.
L'histoire de saint Nicolas, dont le visage vient d‘être reconstitué grâce aux dernières techniques de la médecine légale, vaut le plus fabuleux des romans.
Tout commence vers 270, dans la ville de Patara, à l‘époque où de
l'Orient à l'Occident, il n‘est qu‘une seule et unique Église
chrétienne, encore passablement persécutée.
Ces temps requièrent des hommes d‘action, dont la foi soulève au
sens propre les montagnes. On cogne d‘abord, on tend la joue après.
Lorsque 3 innocents s'apprêtent à être décapités, Nicolas, déjà
Évêque de Myre, en Lycie, arrête de vive force le bras du bourreau.
Au concile de Nicée, en 325, il s'élève violemment contre l'hérésie
arienne et aurait même fait le coup de poing avec un autre évêque.
D'où son nez cassé ?
Plausible...
Fils d‘une famille fortunée, tôt orphelin, Nicolas se montre aussi
généreux que sanguin.
Ainsi dote-t-il en secret 3 jeunes filles
pauvres et promises à la prostitution, afin
qu‘elles trouvent un
mari. À la troisième bourse d‘or déposée en secret, le père, qui
guette, surprend son bienfaiteur et chante ses exploits à travers la
ville.
Nicolas fait de beaux cadeaux aux enfants perdus et même les
ressuscite à l‘occasion lorsqu‘un boucher tendance “Barbe-Bleue” met
au saloir 3 étudiants qui avaient eu l‘imprudence de lui demander le
gîte.
Un miracle parmi d‘autres !
Largement de quoi en faire le saint patron des jeunes garçons et des
écoliers.
Après une mort édifiante au monastère de Sion, le
6
décembre 343, le culte de Nicolas s'étend rapidement à travers
l‘Orient et l'Occident.
À la suite du schisme de 1054 entre Églises
latine et grecque, il deviendra même le plus populaire d‘entre les
saints orthodoxes.
Reliques de saint Nicolas
Devant l‘avancée musulmane, les os de saint Nicolas ont été volé
dans l‘église de Myre par les Italiens de Bari, en 1087.
Les catholiques, néanmoins, s‘adjugent sa dépouille.
En 1087, les musulmans sont aux portes de Myre. Pas question de
laisser entre des mains impies les reliques du saint, gardées et
révérées dans la ville dont il fut l'évêque.
63 Italiens de Bari
forment alors un commando et dérobent les restes de Nicolas au nez
et à la barbe des conquérants.
De braves garçons, assurément, mais
un brin intéressés.
Au Moyen Âge, le trafic des reliques bat son plein.
Rien de tel pour
doper l'économie locale et assurer de substantiels pèlerinages.
D'autant que les ossements de Nicolas exsudent une huile
miraculeuse: guérisons en tout genre assurées!
Bien sur, le saint a
droit à une basilique où reposer en paix et sous haute surveillance,
tandis que son culte continue de croître...
Lorenzo di credi : la Vierge et l'Enfant entourés de saint Julien et saint Nicolas de Myre (retable de 1494).
Dès le XIIe siècle, des religieuses françaises ont l'idée de
célébrer la Saint-Nicolas, le 6 décembre, en apportant aux pauvres
qu‘il a toujours protégés des chaussettes pleines de noix, d'oranges
et autres fruits d‘hiver...
Aux yeux de Martin Luther et pour les réformés, cela revient à
favoriser l'idolâtrie, Dieu seul méritant d'être adoré. Bientôt, les
protestants allemands et hollandais s'alarment, la répression
s'organise contre cette dérive catholique, les citoyens d‘Amsterdam
se voient interdire de transporter ou d‘offrir la moindre friandise
le 6 décembre.
Bref, c‘est la prohibition. Des émeutes éclatent, on
brave l'édit, les autorités finissent par céder.
Pour sauver la
face, elles maintiennent la loi et retardent la célébration de Saint
Nicolas, alias Sinterklaas, de quelques jours afin de la confondre
avec Noël.
En
migrant vers le Nouveau Monde, les Hollandais emportent avec eux la
légende de leur Sinterklaas, rebaptisé
Santa Claus de l‘autre côté
de l'Atlantique.
La légende évolue; elle aussi prend des rondeurs et
un côté “sucre candy”.
Le saint Nicolas des petits Américains a des yeux bleus,
une barbe de neige et un ventre rassurant.
Sans parler
du désormais célèbre manteau rouge. Un vrai rêve pour la
publicité.
D‘ailleurs, Santa Claus devient à partir de
1931 l'emblème de la campagne d‘hiver de Coca-Cola.
Sic transit gloria Nicolaie
Santa Claus, alias Sinterklaas, alias saint Nicolas, devient à
partir de 1931 l'emblème de la campagne d‘hiver de Coca-Cola.
Depuis les États-Unis, les campagnes publicitaires, ä partir
de 1931, ont imposé une Image du Père Noël qui a tout du chromo...
Pendant ce temps, à Bari, la crypte où sont les restes du saint, menace ruine.
Au début des années 1950, le Vatican met à profit la restauration pour inviter un professeur d‘anatomie de l'université de Bari à mesurer et examiner les pieux ossements, puis à les passer aux rayons X.
Francesco Introna, professeur en médecine légale, reconnu par le Vatican, nous révèle le véritable visage de saint Nicolas.
Ce sont les éléments sur lesquels s‘appuie aujourd'hui
le professeur Francesco Introna, spécialiste de médecine
légale, expert reconnu par le Vatican et formé par le
FBI.
En liaison avec d‘autres scientifiques, le professeur a
aussi à reconstituer en 3 dimensions la vraie tête de
saint Nicolas qui est l'aïeul de notre très commercial
Père Noël.
Saint Nicolas, alias le Père Noël
L‘original est sans doute un brin moins vendeur que la
copie mais a d‘ores et déjà permis de déterminer
plusieurs éléments historiques :
D‘une part, Nicolas est bien mort vers l'âge de 70 ans
ainsi que l‘affirme la tradition hagiographique.
D‘autre
part, tous les ossements étudiés appartiennent au même
squelette.
Du coup, une association turque milite en
faveur du rapatriement de saint Nicolas.
“Ils réclament
les restes pour relancer le tourisme”, s‘indigne le père
Gerardo Cioffari, historien de la basilique de Bari.
“Si
les ossements étaient déplacés, il y aurait une
révolution ici”.
Quoi qu‘il en soit, saint Nicolas est désormais
intransportable. Sa crypte, située sous le niveau de la
mer, a entraîné la détérioration des reliques.
Au rythme
actuel, il ne restera rien de l'évêque de Myre d‘ici 100
ans. Rien, sinon la légende !
2 personnages de la tradition populaire en
Alsace, et... Noël au XXIe siècle, le bohneur des enfants.
2006