Qualité des viandes
On détermine la maturation des viandes et leur tendreté en
mesurant leurs propriétés électriques.
Comment être certain que la viande que l’on se prépare à
cuire sera bonne ?
les cuisiniers ont leurs méthodes. Par ex., ils examinent le
"persillé" : lorsqu’ils voient dans le morceau des
infiltrations grasses, ils supposent que la viande aura du goût, en raison des molécules odorantes présentes dans les
graisses et que cette viande aura une bonne texture, grâce
au "fondant" apporté par le gras.

Pour voir si la viande
est tendre, ils savent aussi la pincer entre les doigts : si
la texture approche celle du beurre, la viande a des chances
d’être tendre. D’autres font glisser le pouce dessus, afin
de sentir le "grain" (la rugosité serait de mauvais aloi).
Méthodes artisanales, subjectives, que l’on aimerait
maîtriser.
Au Centre INRA de Clermont-Ferrand-Theix, Jacques Lepetit,
Sylvie Clerjon et Jean-Louis Damez ont montré que les
propriétés électriques des viandes fournissent des
informations objectives sur l’état de maturation des
viandes, élément essentiel de la résistance mécanique des
viandes, dénommée tendreté.
Au cœur du travail, la notion d’impédance électrique : pour
la viande comme pour n’importe quel matériau, l’impédance
électrique décrit la façon dont un objet, placé entre 2
électrodes, permet le passage d’un courant électrique
alternatif. Cette impédance se compose de 2 parties : d’une
part, la résistance électrique, qui mesure la dissipation de
l’énergie sous la forme de chaleur ; d’autre part, la
capacité, qui mesure la quantité d’énergie stockée.
Dans la viande, cette composante capacitive est notable,
parce que la viande se comporte comme un condensateur : les
liquides intra et extracellulaire, qui contiennent des ions,
sont conducteurs, mais les mouvements de ces charges
électriques sont gênés par les membranes biologiques
isolantes.
Les chercheurs de l’INRA ont tiré profit des variations de
l’impédance selon la direction du courant (parallèle ou
perpendiculaire aux fibres musculaires). On conçoit la cause
de la différence : la viande est un matériau anisotrope,
parce qu’elle est constituée de fibres musculaires, qui sont
des cellules allongées contenant un réseau de protéines, de
l’eau et tout ce qui fait vivre ces cellules. Ces fibres
musculaires sont limitées par leur membrane et gainé par un
tissus fibreux contenant du collagène (lequel donne la
gélatine, après une longue cuisson dans l’eau). Elles sont
réunies en faisceaux par d’autres tissus faits de collagène
et des graisses et sont incluses dans la structure.
Tendreté et électricité
Comment évolue la tendreté de la viande de bœuf ?
L’état de santé de l’animal est important, mais la
maturation après l’abattage est crucial : c’est un processus
lent et, surtout de durée très variable selon les animaux.
En France la viande bovine est généralement commercialisée
après 1 à 2 semaines de stockage, alors que l’optimum de
maturation n’est pas toujours atteint : le consommateur paye
cher une viande qui n’est pas toujours tendre.
Comment le satisfaire tout en minimisant les frais de
stockage ?
Des méthodes de laboratoire, physique ou biochimique,
permettent déjà de connaître cet état de maturation, mais
ces méthodes ne sont pas exploitables en site industriel.
Les chercheurs ont donc mis au point des méthodes de mesure
rapides et non destructives, adaptées aux contraintes
industrielles.
Ils ont découvert une relation entre les propriétés
électriques et mécaniques de la viande en cours de
maturation : pendant la maturation, l’impédance diminue
proportionnellement à la résistance mécanique.
Pourquoi ?
Parce que le muscle évolue au cours de sa maturation : d’une
part, les membranes cellulaires se détériorent
progressivement, ce qui réduit leur capacité électrique ;
d’autre part, l’espace extracellulaire évolue, ce qui change
sa résistance électrique.
Toutefois, la relation découverte entre impédance électrique
et résistance mécanique n’est pas exploitable pour le
contrôle de l’état de maturation, car le rapport entre
impédance électrique et résistance mécanique varie d’un
muscle à l’autre.
Cul-de-sac technologique ?
Pas tout à fait : très récemment, les chercheurs de Theix
ont montré, comme nous l’annoncions, que l’anisotropie
électrique, c’est-à-dire la différence entre les impédances
électriques mesurées parallèlement et perpendiculairement
aux fibres musculaires, est directement relié à la
résistance mécanique, indépendamment du muscle et de
l’animal.
Cette relation résulte d’un même mécanisme biochimique qui
dégrade les membranes et le réseau des protéines dans les
fibres musculaires.

Et comme un bonheur ne vient jamais seul, les chercheurs ont
fait un nouveau pas avec le passage aux hyperfréquences :
lorsque l’on envoie une onde électromagnétique de fréquence
comprise entre 300 mégahertz et 20 gigahertz, polarisée
linéairement (la direction du champ électrique est fixe), on
peut également mesurer l’anisotropie diélectrique de la
viande. Comme pour les fréquences comprises entre 1 et 10
kilohertz, l’anisotropie des réactions aux hyperfréquences
diminue au cours de la maturation. De surcroît, avec les hyperfréquences, il n’est plus nécessaire de planter des
électrodes dans la viande pour enregistrer son impédance (ce
qui risque de propager des micro-organismes) : on mesure la
maturation de la viande sans contact, à l’aide d’antennes.
Des capteurs hyperfréquences révèleront-ils bientôt la
maturation des viandes ?
Quand cela sera , les bouchers sauront, mieux qu’au toucher,
déterminer la tendreté de leur produit. - 2010 - |