La bréjaude
Avant de devenir l’emblème d’une cuisine populaire, le
pot-au-feu a connu une longue maturation historique.
À l’origine était le pot,
contenant ancestral, fondement culinaire des civilisations humaines, dans
lequel on cuit soupes, bouillies et potages parfois enrichis d’un mélange
roboratif de viandes et de légumes.
Leur composition dépend à la fois de la saison, du portefeuille, des états
d’âme du cuisinier ou de la cuisinière et de l’occasion.
Cette soupe du Limousin doit son
nom au "bréjou", couenne du lard indispensable pour parfumer les légumes du
pot et qui, traditionnellement, revient de droit à l'assiette du maître de
maison.
De bréjer qui signifie écraser le lard en langue limousine , la
bréjaude est le pot-au-feu du Limousin.
Cette soupe à la graisse,
aujourd’hui oubliée, est passée en l’espace de 2 générations du statut de
l’excellence à celui de l’immangeable. Ou comment les critères du bon sont
socialement et historiquement déterminés…
Dans la version authentique, on prend pour la bréjaude des raves. "aliment central avant l'introduction de la pomme de terre; la rave limousine est bien ronde, de la taille d'un pamplemousse, et se teinte de violet sur la partie qui sort de terre". Jean-Pierre Poulain, op. cit.
Ingrédients pour 6 convives
250 G de lard frais avec la couenne
1 Petit chou vert
3 Carottes
3 Navets
6 Pommes de terre
3 Poireaux
200 G de haricots verts
Gros sel
300 G de pain de seigle
Poivre noir
Indications de préparation
Verser 3 litres d'eau dans une marmite et porter à ébullition.
Pendant ce temps, inciser le morceau de lard en croisillons sans le découper.
Le mettre dans la marmite et laisser cuire tranquillement pendant 1 heure.
Pendant ce temps, préparer les légumes parer le chou : retirer les grosses côtes et les feuilles extérieures, et le couper en quartiers.
Peler, laver et couper en morceaux les carottes, les navets et les pommes de terre.
Parer, laver et tronçonner les poireaux.
Effiler les haricots verts.
Au bout d' 1 heure de cuisson, retirer le morceau de lard de l'eau - qui a blanchi avec la fonte du lard, et l’écraser avec du gros sel.
Remettre le tout, dont la couenne intacte, dans la marmite, avec le chou, les carottes, les navets et les poireaux.
Poivrer et laisser cuire doucement pendant ± 30 min.
Ajouter enfin les pommes de terre et les haricots verts et poursuivre la cuisson pendant ± 20 min.
Détailler le pain de seigle en lamelles que l’on répartira dans des assiettes creuses.
Les arroser de bouillon, laisser celui-ci les imbiber, puis ajouter les légumes et les morceaux de lard écrasés ainsi qu' 1 morceau couenne.
Donner 1 tour de moulin à poivre et servir.
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Le chou, est un légume primitif dont les ancêtres croissent toujours à l’état sauvage sur les côtes de l’Europe occidentale et méridionale.
Une légende grecque assure que le chou jaillit
des larmes d’un prince de Thrace châtié par Bacchus pour avoir
détruit des vignes. L’auteur latin Caton affirme de son côté que
consommer du chou macéré dans le vinaigre, peu avant ou après des
agapes, permet d’échapper à la ''gueule de bois''...
C’est en vivant de chou et d’eau claire, dit-on, que Diogène
atteignit les 90 ans. Il aurait déclaré un jour à un jeune
courtisan:
''Si tu vivais de chou, tu n’aurais pas à flatter les
puissants''. À quoi l’insolent répondit : ''Si tu flattais les
puissants, tu n’aurais pas à vivre de chou''.
Une confusion s’établit parfois entre le navet et
le chou-navet ou rutabaga (Brassica napus). Tous deux étaient connus
du Grec Théophraste et du Romain Pline l’Ancien.
Bien qu’appartenant
au genre Brassica, ce sont 2 espèces fort différentes. C’est le
rutabaga que les Romains coloraient afin d'en faire de faux anchois!
Le vrai navet est autrement raffiné. D’ailleurs, dans la Delphes il
était une offrande digne d’Apollon au même titre que le radis la
betterave.
Le canard aux navet figure déjà parmi les recettes du Romain Apicius. Plus tard, la Renaissance française sert le navet à la table des rois et, à l’orée du XVIe siècle, Olivier de Serres loue sans retenue les authentiques ''naveaux'' et leur ''commune bonté surpassant de beaucoup celle des raves''.
Le navet est en effet un légume a la saveur fine, surtout en variété précoce. C’est l’un des légumes que les Européens introduisirent en Amérique. Jacques Cartier le sema au Canada vers 1540 et les autochtones l’adoptèrent aussitôt.